Aller au contenu

Page:Paul de Saint-Victor - Les deux masques, tome 1.djvu/28

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
18
ESCHYLE.

ronflent, semblent l’attirer vers la terre, comme ceux des sorcières de la Thessalie. Le vin jaillit à flots sous les baguettes qui frappent les rochers ; des explosions de fleurs et de fruits couvrent les broussailles. Les Bacchantes, le visage plâtré du gypse mystique, la tunique fendue, les cheveux au vent, trépignent avec rage, et renversent leurs têtes pendantes sur la pomme de pin de leurs ceps. L’écume flotte sur les clameurs de leurs bouches, comme elle nage sur le cri des vagues. Elles arrachent les vipères enroulées aux pampres de leurs guirlandes, pour les porter à leurs seins. Les petites panthères de leur escorte viennent teter les vierges fauves, subitement enflées d’un lait merveilleux. Elles lancent contre les chênes d’autres serpents dénoués de leurs chevelures, et les reptiles, changés en lierres, enlacent à l’arbre des tiges qui reproduisent leurs nœuds écaillés. Tous les animaux des monts et des bois entrent, fascinés, dans le cercle de l’enchantement. Le bruit les réveille et l’ivresse les gagne ; ils sortent, à pas contraints, de leurs antres, comme à l’appel d’une troupe de charmeurs. Un Satyre prend un tigre par la peau froncée de sa nuque, et l’emporte rugissant d’aise sur son dos ; un autre saisit un sanglier par ses défenses et le jette en l’air. Les bêtes, flairant une odeur bestiale dans l’orgie divine, s’y associent joyeusement.