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LES MYTHES DE PROMÉTHÉE.

bois des Furies. On eut dit un Saint équivoque, relevé d’une ancienne excommunication, mais toujours suspect, qu’on aurait logé dans une chapelle limitrophe entre le paradis et le purgatoire. Chaque année pourtant, une fête superbe, — les Lampadaphories, — réveillait glorieusement sa mémoire, en imitant la fuite du larron sublime, après qu’il eut volé le soleil. Ce jour-là, une cavalcade de jeunes gens partait au galop du Céramique pour Colone. Le chef de file agitait un flambeau ardent allumé au feu d’un sanctuaire. S’il s’éteignait au vent de la course, il le passait à son compagnon qui le rallumait en courant toujours, et celui-ci au troisième. La torche aléatoire passait de coursier en coursier et de main en main, jusqu’à ce que le vainqueur la déposât, scintillante encore, sur le sombre autel du Titan.

Telle était la légende de Prométhée, rudimentaire et contradictoire, mais renfermant en elle des trésors d’interprétation et de poésie. — Eschyle s’en empare de sa main puissante, il l’agrandit et la dégrossit, il la transforme et l’idéalise : le génie va achever le géant.