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PROMÉTHÉE ENCHAÎNÉ.

chars d’osier, et les Khalybes, « sauvages ouvriers du fer » — Qu’elle se garde de leur abord hérissé de flèches ! — La voici aux bords de l’Hybristès (l’Insolent), « le fleuve bien nommé ». Elle évitera ses eaux irritables, et tournera vers le Caucase, dont ses bonds enjamberont les cimes. Là viendront au-devant d’elle les Amazones au sein coupé, farouches à t’approche des mâles, mais accessibles aux femmes, qui la conduiront à l’isthme Cimmérien. Io reprendra sa course vers le Palus-Méotide, et elle franchira le Bosphore de Thrace. — « La renommée de ton passage sera grande parmi les mortels ; car il prendra de lui le nom de Bosphore », (Passage de la Vache).

La voilà relancée dans l’infini de l’Asie. Ici la lumière baisse et la vision s’obscurcit. Nous entrons dans le cercle des difformités et des épouvantes. Une sorte de contorsion démoniaque défigure les traits de la Terre, et lui imprime une physionomie infernale. — Qu’est-ce que ces champs gorgoniens de Cysthène, sur lesquels pèse un ciel noir, sans soleil ni lune ? Énigme et terreur. Le poète y place les trois Grées, ces sorcières marines, nées avec des visages de vieilles décrépites ; hideuses figures de la mer lorsque l’orage l’enlaidit, dont les rides sont celles du flot creusé par la bise, et les cheveux gris sa blafarde écume. Elles n’ont à elles trois qu’un œil et qu’une