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GRANDEUR ET DÉCADENCE DE BACCHUS.

Le beau Dieu grec, si merveilleusement parvenu, aurait méprisé sans doute ce rite de pasteurs à demi barbares. Et pourtant, en s’y arrêtant, il se serait revu lui-même à sa naissance et dans son berceau. Cette goutte de liqueur sauvage, c’est l’humble source d’où il a jailli comme un fleuve : Bacchus est né du Soma aryen.

IV

Ce Bacchus que nous venons de décrire, est le Bacchus épique, classique, démotique, adoré par le peuple, chanté par la poésie et sculpté par l’art. Derrière celui-là, il y en avait d’autres plus ou moins reconnus ou légitimés. Ce qui caractérise la religion de Bacchus, c’est qu’elle est aussi profonde qu’étendue, qu’il y en a autant en terre qu’au dehors, que ses cryptes basses égalent et répètent la hauteur de ses constructions. Ce culte inextricable fait le tour du monde. Au-dessous du vignoble verdoyant et fructifiant au soleil, plonge la cave obscure pleine de cœcums, d’embranchements, de bifurcations, de dédales. Telle de ses sapes serpente jusqu’à Babylone, telle autre s’ouvre dans les hypogées de Memphis. Par la culture universelle de la vigne, en Afrique, en Asie, en Thrace, Bacchus avait des frères