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GRANDEUR ET DÉCADENCE DE BACCHUS.

mère dans les beautés et les joies terrestres s’exprimait par ce corps charmant, languissamment renversé. On pleurait en lui les fleurs fanées, les délices finies, les jeunesses brisées, les amours éteints avant l’heure. Sa physionomie exotique que l’art des poètes n’avait pu voiler, l’odeur de myrrhe qu’il exhalait, irritaient encore la passion des femmes. Il faisait rêver, venant de si loin. Volontiers elles se seraient écriées comme la Sulamite du Cantique : — « Quel est celui qui descend de la montagne des aromates, de la colline de l’encens ?… Tes parfums sont agréables à respirer, ton nom est comme l’huile répandue ; c’est pourquoi les jeunes femmes t’aiment… Mon bien-aimé est pour moi un sachet de myrrhe suspendu entre mes seins… L’odeur de ses vêtements est comme l’odeur du Liban… Fortifiez-moi avec des raisins, soutenez-moi avec des oranges, car je me meurs d’amour. »

Les Adonies répétèrent les fêtes de Byblos, adoucies et enrichies par le goût attique : Cypris vint, à son tour, comme sa sœur de Syrie, prendre entre ses bras le corps de « l’Époux » : mais, au lieu de l’étreinte furieuse d’Astarté, c’était un enlacement plein de grâce. On la voit, dans les Syracusaines de Théocrite, couchée auprès de lui, « sur des tapis plus moelleux que le sommeil ». Éros verse un baume à la blessure du mourant. Les lasses de terre de ses grossiers