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Page:Paul de Saint-Victor - Les deux masques, tome 1.djvu/59

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GRANDEUR ET DÉCADENCE DE BACCHUS.

furibondes, et se mettaient à prophétiser. Les femmes, en costume de bacchantes, les cheveux épars, le thyrse au poing, la nébride au flanc, couraient par troupes vers le Tibre, et y plongeaient des torches ardentes qu’elles retiraient allumées encore, parce que le soufre vif y était mêlé à la chaux. Symbole du dieu pris pour le soleil, qui descend dans les ténèbres, pour reparaître flamboyant au jour. — Les affiliés se mêlaient ensuite, pêle-mêle et aveuglément dans la nuit. Ceux qui refusaient de subir l’opprobre étaient précipités par une machine dans des puits profonds. Les roulements de tambours, les chocs de cymbales étouffaient, comme dans les Suttées de l’Inde, les cris des victimes : on les disait alors enlevées par Bacchus irrité de leur résistance. L’enquête révéla des crimes effroyables, aussi ignorés jusqu’alors que les meurtres souterrains des bêtes ténébreuses. Rome se vit tout à coup étreinte de serpents, cernée par une légion de monstres et de furies enlacés. Cette école du mal mettait en pratique ses dogmes atroces, Locuste y faisait son apprentissage. De sa « sentine impure », comme dit Tite-Live, sortaient et se dégorgeaient par la ville les faux témoignages, les testaments supposés, les délations calomnieuses, les assassinats, les empoisonnements. Le Sénat mena l’affaire avec une vigueur répressive, une soudaineté de capture et de châtiment qui