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NAISSANCE DU THÉÂTRE.

pagnons de Bacchus étaient restes attachés au cérémonial de leur dieu. Le drame avait beau s’élever et se purifier, s’assombrir et s’attendrir, se vouer aux calamités et aux deuils, ils s’obstinaient à y jouer leur rôle, à jeter leurs quolibets bouffons et obscènes sur ses nobles plaintes. C’était la Fêle des Fous se perpétuant dans la cathédrale expurgée, et interrompant par ses cris grotesques les chants de l’office. Pratinas coupa à la tragédie cette queue bestiale qui la dégradait. Mais ces vieux Démons étant en somme vénérables, il fonda pour eux le Drame Satyrique qu’on jouait à la suite de la trilogie. Déportés dans cet îlot théâtral, les Satyres reprirent leurs bruyants ébats. Ces vétérans licenciés de Bacchus trouvèrent là une retraite et un lieu d’asile.

Ainsi l’art nouveau s’élargit et se perfectionne en tous sens ; ses rudiments se dégrossissent, son idéal se lève, son influence rayonne déjà sur la Grèce entière. La Tragédie n’a encore qu’un cirque de bois, mais Athènes lui bâtit sur un versant de l’Acropole, près du sanctuaire de Dionysos, un théâtre de pierre, vaste hémicycle où tout un peuple pourra s’asseoir. La scène est déblayée, le prologue est joué, les précurseurs ont fini leur tâche. Derrière le décor, comme au bord de la fosse de l’Odyssée, les dieux et les héros, « les vieillards qui ont subi beaucoup de maux, les tendres vierges