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V
PRÉFACE

prunt direct, elle garde quelque chose de médiocre et de rabougri. C’est la différence d’un herbier desséché à un champ en fleurs. Transplantés à Rome, les jeunes dieux de l’Hellade s’immobilisent et se glacent : avec la sève de la terre natale, toute poésie vivante s’est retirée d’eux.

Un autre motif conseillerait cette restitution. C’est toujours sous leurs noms latins que la parodie a travesti et bafoué les dieux ; c’est sous ces mêmes noms que le bel esprit des deux derniers siècles les a usés dans les fadeurs de l’allégorie et du madrigal. En leur rendant leurs appellations primordiales, on les retrempe à leur source vive, et leurs images s’offrent à l’esprit intactes des affronts subis par leurs pseudonymes. Scarron n’a pas caricaturé Zeus, Aphrodite n’a jamais été fardée par Dorat.

Pour ne point dérouter le lecteur et éviter toute difficulté, j’ai pris soin d’ailleurs, à chaque première fois qu’un dieu parait dans ce livre, d’accoler son nom latin à son vrai nom grec. Quant aux noms des héros et des personnages historiques qui ne diffèrent, le plus souvent, de l’orthographe hellénique que par la forme des lettres ou par le son de la désinence, j’ai maintenu leurs équivalents vulgarisés par l’usage. En ce genre d’innovation, il ne con-