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ESCHYLE.

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Ce n’est point la seule ressemblance entre Eschyle et Dante : tous deux, au déclin de leur vie, dans le rayonnement de leur gloire, prirent la route de l’exil.

Cet exil d’Eschyle fut-il volontaire ou forcé ? Les textes hésitent et se contredisent. La terreur s’attachait à ce poète terrible. Ses représentations étaient quelquefois des tragédies véritables : catastrophes sur la scène et catastrophes dans l’enceinte. Des enfants moururent de peur, des femmes avortèrent, le jour de l’Orestie, à l’apparition des Euménides déchaînant leurs serpents et secouant leurs torches. Histoire croyable, si l’on tient compte des premiers effets du drame sur la race la plus sensible qui ait jamais existé. « Les Rhapsodes, disait Platon, avaient bien de la peine à réciter Homère sans tomber dans des convulsions. » — Une autre fois, Eschyle eut un théâtre tué sous lui. Le vieux cirque de bois qui servait encore de scène à Athènes, s’écroula avec ses gradins pleins de peuple, pendant qu’on y jouait une de ses trilogies. L’accident passa pour un châtiment des dieux offensés, et un scholiaste attribue à ce désastre le départ d’Eschyle. D’autres disent qu’il ressentit comme une injure la victoire du jeune Sophocle remportant un prix contre lui. Cette jalousie n’a rien qui nous choque. On comprend le regard torve jeté par le vieil athlète se retirant de l’arène, sur l’éphèbe qui découronnait son front chauve, son