Page:Pavlovsky - En cellule, paru dans Le Temps, 12, 19 et 25 novembre 1879.djvu/27

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devins presque gai. Je me sentais tout allégé, un bien-être inconnu me pénétrait. Quelques jours se passèrent ainsi. Mais une fois qu’on m’appela de nouveau pour m’interroger, le staroj découvrit et enleva mon cache-nez. Une mère qui perdrait son unique enfant ressentirait à peine sa douleur aussi profondément que je ressentis la mienne. Ayant perdu mon ancre de salut, je me mis à en chercher une autre. J’avais pourtant beau tendre mon cerveau, je ne pus trouver d’autre moyen d’en finir avec l’existence que celui de me faire mourir de faim. Aurais-je la force de faire cela ? On devinera ce que je veux accomplir, on prendra toutes sortes de mesures, on me fera subir mille tentations. Pourrai-je supporter tout cela ?

Il faut l’essayer.

Le lendemain, lorsque l’on m’apporta le thé qui me servait de déjeuner, je le refusai sous prétexte d’avoir sommeil.

À dîner, je fis semblant de manger, mais ne touchai à rien. Vers le soir, j’avais une faim dévorante, mais, malgré le pain que je vis sur la table — le staroj l’y avait laissé avec intention — je ne mangeai pas. Le jour suivant, ce fut la même chose : je refusai mon déjeuner, on le laissa sur la table devant moi ; il y resta jusqu’au dîner. Le dîner et le souper restèrent sur ma table jusqu’au matin.