Page:Pavlovsky - En cellule, paru dans Le Temps, 12, 19 et 25 novembre 1879.djvu/34

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Au plafond de la cellule était appendue à un fort crochet une grande lampe à pétrole. La vue de cette lampe me fit du bien : pendant la nuit, quand tout reposera, pensai-je, je pourrai décrocher la lampe, enduire de pétrole le matelas, le linge et mes cheveux et y mettre le feu… la fin viendra rapidement. On peut aussi se pendre au crochet ou à l’un des barreaux de la grille à la fenêtre.

Mes pensées furent interrompues par le bruit de petits coups brefs et rapides comme on pourrait en frapper avec les doigts pour imiter le roulement d’un tambour. Le bruit venait de la cellule voisine, on frappait au mur qui la séparait de la mienne. J’écoutais. Les roulements continuaient. Je compris bientôt ce que cela voulait dire et y répondis de la même manière. Alors les roulements cessèrent et furent suivis par des coups espacés qui se succédaient doucement et en mesure. Je compris que chaque nombre de coups isolés représentait la lettre de l’alphabet qui correspondait au chiffre des coups frappés. Mon manque d’habitude dans cet exercice et l’agitation dans laquelle nous étions, mon voisin et moi, fit que nous nous embrouillâmes longtemps avant de nous comprendre. Ah ! comme je souriais, comme mon cœur battait de joie ! J’aurais voulu embrasser ce bon mur jaune qui, après cinq mois d’isolement, me procurait enfin la possibilité d’échanger quelques pensées avec une créature humaine amie et ne désirant pas ma perte.