Page:Pavlovsky - En cellule, paru dans Le Temps, 12, 19 et 25 novembre 1879.djvu/40

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ment fixait dix copecks[1] par jour à chaque détenu, mais l’administration en dépensait moins. À midi, on m’apportait quelque chose d’extrêmement liquide qui devait être du chtchi[2]. Une livre et demie de pain de seigle tout à fait noir et rempli de grains de sable ; une petite écuelle de gruau bouilli de sarrasin tout rempli de déjections de souris, voilà de quoi se composait mon menu. Je ne touchais que rarement à cette pitance et me contentais du pain seul. Plus tard les dix copecks me furent journellement donnés en main, et j’eus la permission de les dépenser à ma guise en envoyant le staroj m’acheter quelque chose au dehors de la prison.

Le directeur pourtant donnait de jour en jour plus d’ouvrage à mon cerveau. Il oubliait parfois de nous faire distribuer notre pension alimentaire et nous restions des journées entières à jeun. Quelquefois la porte de ma cellule s’ouvrait avec fracas pendant la nuit et mon geôlier (je parle toujours du directeur) me réprimandait grossièrement pour avoir trop abaissé la flamme de la lampe. Tous les jours il découvrait avec horreur que l’air de ma cellule était mauvais et faisait ouvrir la fenêtre qu’on laissait ainsi pendant des heures malgré le froid d’hiver rigoureux qui sévissait dehors.

  1. Deux 1/2 copecks = 1 sou.
  2. Soupe aigre à la choucroute.