Page:Pavlovsky - En cellule, paru dans Le Temps, 12, 19 et 25 novembre 1879.djvu/61

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tellement que je les poursuivais pendant des heures pour les prendre et les tuer.

Lorsque je me couchais, j’entendais distinctement les battements de mon cœur. Je m’endormais souvent en y prêtant l’oreille, et alors je rêvais que je causais avec mon voisin à l’aide de coups frappés à la muraille : B, k, s — B, k, s… Ah ! oui, je comprends : cela veut dire Barkass[1]. Oui, on va sur l’eau dans les chaloupes… Ma cellule, c’est la mer bleue, les rivages en sont jaunes, ils sont formés par les murs…

La chaloupe a une voile et un aviron ; mon voisin y est assis… Il passe et repasse près du mur, il passe et repasse… il attend… Qu’attends-tu, mon pauvre voisin ?

— B, k, s… B, k, s…

Ah ! que c’est bon ! me dis-je, je ne suis plus aussi seul !… B, k, s… B, k, s…

Qui es-tu, mon cher, bien cher voisin ? m’écriais-je parfois à haute voix en rêve. Cela m’éveillait ; je me retournais d’un autre côté et j’entendais toujours sans fin : B, k, s… B, k, s…

Pendant le jour, je courais de côté et d’autre dans ma cellule ; mes pantoufles criaient : ce bruit, par une bizarrerie inexplicable, me rappelait les refrains de chansons obscènes que j’avais entendu vociférer par des ivrognes attardés dans la rue.

Je m’efforce de penser à autre chose… En vain ! Je tâche de faire cesser le dégoût que j’éprouve ; je veux me persuader que ces chants ne sont que grotesques, naïfs peut-être… Mais tout à coup une voix

  1. Chaloupe.