Page:Pavlovsky - En cellule, paru dans Le Temps, 12, 19 et 25 novembre 1879.djvu/67

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Nous passons par le préau ; ce n’est plus une voûte de granit que j’ai au-dessus de moi, mais un ciel bleu. Qu’il est haut ! Personne n’a jamais contemplé un ciel pareil. Dans ma cellule, si je mettais mon tabouret sur le lit et si je montais dessus, j’atteindrais au plafond avec la main. Comme il est haut ce ciel ! Comme il fait bon dehors…

La salle de bain est obscure et remplie d’une buée chaude et épaisse qui m’oblige à fermer les yeux en entrant. Quand je les rouvre, je vois à travers la vapeur le banschik[1] qui m’apporte une cuvette remplie d’eau tiède ; il y plonge la main pour s’assurer qu’elle n’est pas trop chaude — car si je m’échaudais — gare au directeur ! Je prends l’eau et me mets auprès de la fenêtre ; je fais semblant de me laver, mais je regarde le ciel de tous mes yeux. Un oiseau passe… un point noir sur un fond d’azur… il disparaît. Un papillon blanc voltige, un autre le suit… les voilà réunis ; ils se reposent sur un brin d’herbe venu dans un interstice entre deux pierres… ils remuent lentement les ailes.

— Voulez-vous prendre une douche ? me dit le banschik se préparant à m’inonder d’eau fraîche. Je m’approche de l’appareil et me voilà ruisselant de la tête aux pieds. Et mon estomac qui crie famine pendant tout cela ! Ah ! si je pouvais assouvir la faim qui me ronge les entrailles !

Je suis de nouveau rentré dans ma cellule. Après avoir joui un instant de la lumière du soleil, je me retrouve dans les ténèbres ; je ne distingue presque rien. Mon écuelle est sur la table, mais, hélas, tout

  1. L’homme préposé à la salle de bain.