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VILLON


François Montcorbier, ou des Loges, dit François Villon (du nom de son père adoptif Guillaume de Villon), était à vingt et un ans maître es art, c’est-à-dire licencié es lettres. De naissance populaire, il traîna toujours une vie lamentable. Sa mère — la plus aimée et la plus faible des mamans — n’était qu’une pauvre femme qui ne savait ni lire ni écrire et, sans doute, n’eut aucun pouvoir sur son « mauvais garçon ». Eh bien, cet espiègle ripailleur, ce désespoir du guet, ce tire-laine à poignard, ce mélancolique voleur, « à la jeunesse folle », reste encore le plus pur et l’un des plus savants de nos poètes. Il faut recourir à ce maître, lorsqu’on veut trouver un modèle de précision et de netteté. C’est un réaliste.

— Mais pourquoi fait-on remonter à François Villon la poésie moderne ? — Comme l’est toute poésie aux âges primitifs, avant lui l’œuvre des lyriques en France demeure impersonnelle. Villon fut le premier qui tira sa poésie de lui-même. En effet, que chante-t-il ? Ce que, depuis son enfance, il a souffert et aimé ; ses infortunes et ses joies. Nulle sensibilité plus aiguë que la sienne. S’il n’eut pas le courage social, il eut tous les courages de l’esprit et du cœur, et dans maintes de ses œuvres — telle cette Ballade contre les mesdisants de France — « il fit sortir une première et forte ébauche de poésie nationale du sol même de la patrie ».

Paul FORT. 


BALLADE DES DAMES DU TEMPS JADIS


Dictes-moy où, n’en quel pays,
Est Flora, la belle Romaine ;
Archipiada, ne Thaïs
Qui fut sa cousine germaine ;
Echo, parlant quand bruyt on maine
Dessus rivière ou sus estan,
Qui beauté eut trop plus qu’humaine ?
Mais où sont les neiges d’antan !