Page:Payen - Anthologie des matinées poétiques, t. 1, 1923.djvu/29

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Il la veut arracher, mais la tige est tenace ;
Il s’obstine, et ses doigts s’ensanglantent aux dards.

Ainsi germa l’amour dans mon âme surprise ;
Je croyais ne semer qu’une fleur de printemps ;
C’est un grand aloès dont la racine brise
Le pot de porcelaine aux dessins éclatants.

PREMIER SOURIRE DU PRINTEMPS

Tandis qu’à leurs œuvres perverses
Les hommes courent haletants,
Mars qui rit, malgré les averses.
Prépare en secret le printemps.

Pour les petites pâquerettes.
Sournoisement lorsque tout dort,
Il repasse des collerettes
Et cisèle des boutons d’or.

Dans le verger et dans la vigne,
Il s’en va, furtif perruquier,
Avec une houppe de cygne,
Poudrer à frimas l’amandier.

La nature au lit se repose ;
Lui, descend au jardin désert
Et lace les boutons de rose
Dans leur corset de velours vert.

Tout en composant des solfèges.
Qu’aux merles il siffle à mi-voix,
Il sème aux prés les perce-neiges
Et les violettes aux bois.

Sur le cresson de la fontaine
Où le cerf boit, l’oreille au guet,
De sa main cachée il égrène
Les grelots d’argent du muguet.