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PRÉFACE


C’est une opinion assez commune, maintenue et répandue par certains milieux intéressés, qu’il n’y a pas de public pour la poésie. Les directeurs de théâtre reculent avec effroi devant les auteurs portelyre… et cependant les plus grands et les plus durables succès dramatiques ne sont-ils pas dus à des pièces en vers, depuis Corneille jusqu’à Edmond Rostand, en passant par Victor Hugo ?… Réciter des vers en public !… Toute la racaille artistique, tous ceux qui ont la haine de la beauté, sachant bien qu’ils ne l’atteindront jamais, raillent et ricanent sourdement… et cependant chaque fois qu’une tentative de cet ordre est faite dans des conditions favorables, elle connaît le plein succès. Il y a donc un public pour la poésie. Aujourd’hui que l’épreuve a été tentée et a réussi magnifiquement à la Comédie Française, on peut, on doit le proclamer bien haut, et tous les poètes ont le droit de s’en réjouir. Ils ont un public compréhensif, intelligent, fidèle, vibrant, qui saisit toutes les nuances de la pensée, qui la suit avec intérêt et frémit à tous les souffles harmonieux.

C’est à Catulle Mendès et à Gustave Kahn que revient l’honneur d’avoir, il y a bientôt un quart de siècle, fait monter la poésie sur la scène et convié la foule à venir l’entendre. Je ne parle pas de quelques tentatives antérieures et éphémères. Avec cet enthousiasme qui était un des traits les plus remarquables de sa nature, avec cet emballement qui permet de vaincre tous les obstacles, cette conviction ardente qui consume toutes les objections, avec