il va toujours quelque part, les voisins l’arrêtent et vous l’envoient. Ce procédé primitif n’a jamais donné de mécompte. Au moment où ce médecin bourgeois pénétra dans ma chambre de malade, j’avais la Petite République et l’Aurore grandes ouvertes et non lues sur mon lit. Si cet homme avait été partisan d’une certaine lutte de classes mal entendue, mon affaire était bonne. Heureusement il n’avait pas lu les auteurs et n’était qu’un médecin de campagne. Il ressemblait assez aux bons médecins de Zola, non pas tant au docteur Pascal, qui est un type et non pas seulement un médecin, qu’à ce bon docteur Boutan, qui donnait de si bons conseils dans Fécondité, qui était plus philosophe et meilleur que les Froment. Il nous demanda la permission de se chauffer à mon bon feu de malade, un feu rouge de coke. Il avait grand froid aux pieds, de faire sa tournée par un temps pareil. Il tombait une neige glacée qui se plaquait par terre. Il n’y avait plus que le facteur et lui qui continuaient de marcher. Encore le facteur traînait-il depuis trois jours une grippe envahissante. Le cantonnier avait depuis longtemps déserté la route nationale de Chartres et s’était réfugié dans quelque abri. Pendant que le médecin se chauffait les pieds, la consultation s’allongeait en conversation.
— Dites-moi d’abord, mon ami, ce qui est de la consultation.
— Vous savez bien ce que c’est que la consultation d’un docteur médecin : examen attentif et sincère de toutes les références, tâter le pouls, frapper dans le dos et ausculter.
— N’accélérons pas, mon ami : pourquoi ce médecin vous examinait-il ainsi ?