Page:Peguy oeuvres completes 01.djvu/130

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ressant. Et j’irai plus loin, monsieur — c’est toujours à ce M. Théophraste que je m’adresse, et non pas à M. Renan — je dirai plus : en attendant que nous ayons socialisé, universalisé la culture, si je m’arrête à la considération du présent soucieux et d’un avenir prochain, dans le village où nous demeurons, celui que vous nommez le magister, celui qu’on nommait naguère le maître d’école, et que nous intitulons sérieusement l’instituteur n’est pas un homme insupportable au contemplateur tranquille. Et il est un auxiliaire indispensable au contemplateur inquiet, que nous nommons communément homme d’action. L’instituteur au village ne représente pas moins la philosophie et la science, la raison et la santé, que le curé ne représente la religion catholique. Si ce village de Seine-et-Oise ne meurt pas dans les fureurs et dans les laides imbécillités de la dégénérescence alcoolique, si l’imagination de ce village arrive à surmonter les saletés, les horreurs et les idioties des romans feuilletons, nous n’en serons pas moins redevables à ce jeune instituteur que nous n’en sommes redevables au Collège de France. Et encore nous n’en sommes redevables aux corps savants que parce qu’ils n’ont pas accompagné Théophraste en ses probabilités et Théoctiste en ses rêves. Sinon…

— Vous avez raison, mon ami, mais vous vous excitez. Puisque nous sommes revenus à parler des morts collectives, traitons posément, le voulez-vous, des morts collectives ? Il vaut mieux faire ce que l’on fait.

— Pas encore, citoyen, je veux dire tout ce que je veux dire à ce M. Théophraste. Et que ne dirai-je pas à son ami M. Théoctiste. Écoutez un peu, docteur, ce qu’il me dit :