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INTRODUCTION

fois que les circonstances m’ont remis en présence du normalien d’antan.

Au fur et à mesure que j’ai davantage connu l’homme et mieux apprécié son œuvre, l’inspiration qui l’animait, l’influence qu’elle était capable d’exercer, mon admiration pour l’œuvre a grandi avec ma sympathie pour l’homme. J’apporte en hommage sur la tombe de Charles Péguy ce simple témoignage.

« Je ne suis nullement l’intellectuel qui descend et condescend au peuple. Je suis peuple. »

En ces termes d’une orgueilleuse modestie, Péguy situe exactement ses origines d’où lui vinrent, pour une large part, son originalité et sa force. Les vignerons et les bûcherons que sont ses ancêtres avaient marqué l’écrivain d’une empreinte indélébile. Paysan, il l’était jusqu’aux moelles. Il en avait la solidité et l’âpreté, la malice et la méfiance, voire l’allure. Il s’en est fallu de peu, de bien peu, lui-même l’a conté quelque part avec comme un tremblement rétrospectif, qu’il ne manquât sa voie et ignorât à jamais les délices des humanités. De l’école primaire on l’avait aiguillé vers l’école professionnelle quand un pédagogue de sens et de cœur auquel Péguy en garda une infinie reconnaissance lui ouvrit les portes du lycée de sa ville natale.

Il quitta Orléans pour aller à Sainte-Barbe et de là à l’École normale. Il n’y passa point les trois années

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