Page:Peguy oeuvres completes 01.djvu/207

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Parlons des copains.

— Quand es-tu parti ?

— Les vacances commençaient mercredi soir. Mais j’avais jeudi matin une répétition que je ne pouvais pas, et que je ne voulais pas remettre.

— Tu donnes des leçons ?

— Non, je les vends.

— C’est ce que je voulais dire.

— Parlons proprement.

— Ce mot que tu as dit — et par manière de plaisanterie je faisais le dégoûté en souriant — me paraît peu compatible avec la dignité des professions libérales.

— Mettons que je suis fort obligeant, fort officieux ; et sans que je me connaisse fort bien en lettres françaises, en lettres latines et en lettres grecques, je laisse les parents de mes élèves apporter chez moi de tous côtés ceux qui sont timides en grec, en latin, et en français, et qui cependant, pour des raisons purement désintéressées, désirent, comme on dit, subir heureusement la première partie des épreuves du baccalauréat classique — et j’en donne à mes amis pour de l’argent.

— Tu possèdes bien tes auteurs.

— Ce n’est pas étonnant : je m’en nourris.

— Alors ?

— Alors, j’ai donné ma leçon jeudi matin. Puis j’ai fait le voyage en plusieurs fois. Jeudi je suis allé de Bayonne à Bordeaux, vendredi de Bordeaux à Tours, aujourd’hui samedi de Tours à la rue des Fossés-Saint-Jacques. Cette nuit, en pleine nuit, j’aurai encore plus de trois heures et demie à passer à Laon. Total : quatre jours au moins. Autant pour le retour, le nostos, hélas !