Page:Peguy oeuvres completes 01.djvu/232

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journaux ont dit tant de bien, M. Edmond Rostand n’aurait jamais osé lui proposer ce jeune Aiglon, dont les journaux ont dit tant de bien. « Quand on voit le style naturel », dit Pascal, « on est tout étonné et ravi ; car on s’attendait de voir un auteur, et on trouve un homme. Au lieu que ceux qui ont le goût bon, et qui en voyant un livre croient trouver un homme, sont tout surpris de trouver un auteur. Plus poetice quam humane locutus es. Ceux-là honorent bien la nature, qui lui apprennent qu’elle peut parler de tout, et même de théologie. » Passage auquel M. Havet a mis les notes suivantes : après style naturel : « C’est-à-dire, quand on voit que le style est naturel. » Après : et on trouve un homme, il nous renvoie à Méré, Discours de la Conversation, page 76 : « Je disais à quelqu’un fort savant qu’il parlait en auteur. Eh quoi ! me répondit cet homme, ne le suis-je pas ? — Vous ne l’êtes que trop, repris-je en riant, et vous feriez beaucoup mieux de parler en galant homme. » À quoi M. Havet ajoute : « C’est plutôt encore Montaigne que Méré qui a dû inspirer à Pascal cette pensée : et à qui s’applique-t-elle mieux ? » Après la citation latine, au mot poetice, M. Havet nous apprend que cette phrase est de Pétrone, au chapitre 90, où elle n’a pas le même sens que dans Pascal. Mais il pense que Pascal emprunte sans doute à quelqu’un cette citation. Enfin, après ces mots, et même de théologie, M. Havet se demande si c’est là un retour sur les Provinciales. Je suis d’accord avec Pascal sur ce que l’on est tout étonné et ravi quand on s’attendait de voir un auteur et qu’on trouve un homme. Seulement cela suppose que l’on n’est ni étonné ni ravi quand on s’attend de voir un auteur et qu’on ne trouve personne.