Page:Peguy oeuvres completes 01.djvu/233

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Et je ne suis pas si difficile que Pascal. Je ne demande pas toujours l’étonnement et le ravissement. Ainsi quand je crois trouver un homme et que je trouve un auteur, sans doute je suis surpris, mais je me dis qu’après tout c’est encore cela, que c’est un homme qui fait son métier, et que si cet homme fait son métier honnêtement et consciencieusement, je n’ai pas à me trouver malheureux, mais seulement moins heureux, ce qui est tout à fait différent. Je suis un peu comme ce quelqu’un de Méré, non pas que je sois fort savant. Mais si l’on me reprochait de parler en auteur, je répondrais comme ce quelqu’un : « Après tout, ne le suis-je pas ? » Et je ne vois pas bien ce que l’on pourrait m’opposer. Je ne vous reproche donc pas, en méthode générale, que l’on ne voie que vous dans vos cahiers. Je ne vous reproche pas non plus, dans l’espèce, que je ne voie que vous dans vos cahiers. J’admets très bien que ceux qui vous ont assez vu n’aillent pas vous voir encore dans vos cahiers. Mais moi je ne vous ai pas vu bien souvent, surtout depuis que je suis malheureux. La question ne se pose pas pour moi.

— Je le laissais ainsi aller, à la deuxième personne du pluriel, parce que j’entendais bien qu’il ne s’adressait qu’à moi seul ; mais je constatais que ce pluriel convenait à ce que ses phrases fussent bien pleines.

Il continua :

— Mais ce que je vous reproche, mon ami, c’est l’effort visible, — trop souvent et trop visible, — que vous faites pour que vos cahiers soient intéressants. Cela est in-