Page:Peguy oeuvres completes 01.djvu/267

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Nous sommes forcés de constater qu’ici le raisonnement de M. Lucien Marc n’est pas juste : car si un journal donné perd sur son papier, s’il vend son papier à perte, c’est évidemment qu’il vend ce papier à un prix trop bas ; peu importe que ce prix soit plus élevé que le prix des autres journaux. Le mal vient donc bien pour une grande part, comme les socialistes l’ont signalé, de ce que la presse, elle aussi, est soumise au régime de la concurrence bourgeoise : « La façon mercantile d’envisager les choses, a répondu M. Georges Renard, devait triompher, là comme ailleurs, dans une société où tout se vend et s’achète, où tout, depuis le bras jusqu’au cerveau de l’homme, est devenu marchandise. »

Le mal vient, pour une grande part aussi, et l’Union pour l’action morale l’a signalé plus vigoureusement que la plupart des autres consultés, de ce que la conscience publique est faussée parce que beaucoup de consciences individuelles sont faussées[1] : « La source du mal est plus loin que là où la main de l’État peut atteindre ; elle est dans les consciences. Espérons que celles-ci se reprendront et que le remède sortira de l’excès même du mal… Dans le monde des travailleurs, on voit poindre pour le journal un dédain et même un mépris de bon augure. Récemment, les membres ouvriers de la commission consultative de la Bourse du Travail ont fait fermer la salle de lecture des journaux quotidiens, parce qu’il en résultait, pour les lecteurs,

  1. Relire dans la Revue Socialiste du 15 juillet 1897 l’excellent article de Charles Henry sur l’Union pour l’Action morale et le Socialisme. — Note de Pierre Deloire.