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Ce journal serait exactement socialiste en son texte : on n’y verrait aucune réclame commerciale.

Ce journal serait un : on n’y verrait pas, dans le même numéro, en première page un article exact contre les courses et en quatrième page les résultats complets et les pronostics des mêmes courses ; on n’y verrait pas en première page des articles exacts contre les théâtres de passe et en quatrième page, fidèlement insérées, les communications de ces mêmes théâtres.

Ce journal ne serait pas rédigé par des journalistes professionnels, mais par les hommes de chaque métier ; les moissonneurs y parleraient du blé, les maçons de la bâtisse ; les professeurs y parleraient de l’enseignement et les philosophes de la philosophie ; on ne serait pas journaliste, on serait, comme on disait, un honnête homme qui aurait un métier et qui, au besoin, écrirait de ce métier dans le journal.

Ce journal serait exactement sincère, il n’embellirait jamais les faits, il n’embellirait jamais les espérances même.

Enfin et surtout ce journal serait un journal de famille, s’adressant d’abord aux femmes et aux enfants, sans qui toute œuvre est vaine ; et il garderait envers tous ses lecteurs la très grande révérence, car elle est due aussi aux grands enfants.

Quand Pierre Deloire écrivit cet article, on peut dire que l’affaire Dreyfus devenait sérieuse. L’article paraissait le 15. L’avant-veille, 13, après qu’un conseil de guerre eut acquitté Esterhazy, Zola envoyait sa lettre au Président de la République :

Et c’est un crime encore que de s’être appuyé sur la