Page:Peguy oeuvres completes 01.djvu/368

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devons sauver quand même les hérétiques. Nous devons sauver l’hérétique malgré lui. Nous avons laïcisé tout cela. Car la bonne laïcisation n’est plus de faire sauter le joug religieux qui alourdissait la nuque de l’humanité. La bonne laïcisation est de laisser le joug religieux commode aux gouvernements. Seulement, parce que nous sommes les anticléricaux, nous écrivons laïque sur le joug. Ceux qui ne savent pas lire sont priés de s’adresser à leur voisin. J’oubliais de vous dire : nous écrivons laïque en lettres rouges, parce que nous sommes les socialistes révolutionnaires. Nous avons inventé l’honneur du rouge. Nous avons longtemps raillé l’honneur du tricolore. Mais nous reconnaissons qu’il est bon d’avoir une couleur. C’est commode. Il faut du rouge pour le peuple.

Je vous disais donc, mon ami, que dans le privé on n’admettait pas les trahisons, mais qu’elles sont la fleur de la politique. Les deux ou trois citoyens qui avaient manœuvré si supérieurement contre la candidature Péguy étaient les meilleurs amis — politiques — de Péguy. Des hommes qui jadis lui serraient la main chaudement. Mon cher Péguy par ci, mon cher Péguy par là. Et en ce mémorable samedi, au commencement de la séance, ils imaginèrent ce moyen scrupuleusement régulier d’intercepter la parole, de couper la communication à mon petit cousin absent. Telles sont les singulières beautés de la politique. D’abord elles nous paraissaient douteuses. Mais on a fait notre éducation. Nous aussi nous sommes devenus des connaisseurs. Et nous savons apprécier les beaux coups.

Pour un beau coup parlementaire, vous êtes forcé d’avouer que c’était un beau coup parlementaire, parfait