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la Renaissance italienne, essayait de se tailler un succès personnel en chantant des paroles extraordinairement abominables, où le nom de Dieu revenait trop souvent pour une démonstration athée. Il prétendait que si l’on veut être heureux, « pends ton propriétaire ». Ces paroles menaçantes ne terrorisaient nullement les petites gens du trottoir et des fenêtres, en immense majorité locataires. Ainsi déjà les petits bourgeois, tout au long du parcours, avaient écouté sans aucune émotion, du moins apparente, que tous les bourgeois on les pendra. Un excellent bourgeois avait même poussé la bienveillance, au 214 du boulevard, jusqu’à pavoiser son balcon d’une foule de petits drapeaux inconnus. Discussions dans la foule et dans le cortège. Que signifiaient ces drapeaux ? ces pavillons ? Était-ce une bienvenue en langage maritime ? Une lettre de ce M. Pamard, adressée à M. Lucien Millevoye, et reproduite dans la Petite République du mercredi 29, nous apprend que « ces petits mouchoirs… n’étaient autres que les pavillons respectés de toutes les nations ; et, au milieu d’eux, le nôtre flottait en bonne place ». La lettre de M. Pamard nous apprend que « celui qui accrocha à son balcon ces pavillons qui flottent habituellement sur son yacht est un vieux républicain ». Nous n’en savions pas aussi long quand nous défilâmes devant ce pavoisement. Mais la foule ne s’y trompa point. Évidemment ce n’était pas une manifestation nationaliste. Plusieurs personnes à ce balcon, et en particulier ce vieux républicain, acclamaient le cortège, applaudissaient, saluaient le drapeau rouge. Inversement le peuple acclamait ce bourgeois, levait les chapeaux. Il n’était pas question de le pendre : heureuse