Page:Peguy oeuvres completes 02.djvu/129

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

jours aimé la fécondité humaine. La morne Niobé ne s’enorgueillit pas un long temps de ses sept filles et de ses sept fils.

Fécondité n’est pas un livre de charité. Si la maison des Froment grandit aussi rapidement, c’est en partie parce que ni Mathieu ni les siens ne laissent filtrer leurs forces dans les fissures de la charité. Il ne faut pas se laisser abuser par plusieurs démarches qu’il fait. Le nombre des personnes qu’il essaie de sauver, assez maladroitement, est infime, si on le compare à sa puissance grandissante. L’effort qu’il donne pour sauver les périclitants est infime, si on le compare à l’effort qu’il donne pour fonder sa race. Or il est permis de dire que la charité est impuissante, quand on l’a essayée sérieusement ; il est permis de déclarer que tous les efforts donnés à la charité sont vains, sont perdus, mais à une condition : c’est que de la charité abandonnée on monte à une action plus efficace, à la solidarité, mais non pas que l’on redescende à la bourgeoise acquisition des richesses. Quand un bourgeois qui monte s’arrête à la charité, il s’arrête beaucoup trop tôt. Mais cela vaut assurément beaucoup mieux que de rester bourgeois simplement. Fécondité n’est pas un livre de bonté, d’humanité.

Fécondité n’est pas un livre de paix. Je prie qu’on le relise et que l’on n’oublie pas de voir cette guerre incessante. Ne nous laissons pas séduire à un nouvel artifice employé sincèrement. Zola donne aux Froment, à quelques exceptions près, une victoire si facile, si écrasante, si abondante, que la pensée du lecteur ne s’attache pas à la considération de la bataille. Mais les