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INTRODUCTION

Je me rappelle ce soir de septembre, ce soir de la bataille de la Marne où dans Paris si grave et presque désert, un ami de Péguy accourut m’apporter la funeste nouvelle. J’écrivis sur l’heure un article (qu’à la réflexion j’ajournai jusqu’au 17 septembre, de crainte qu’il ne tombât dans sa famille non avertie). « La renaissance française, disais-je, tirera parti de l’œuvre de Péguy authentiquée par le sacrifice. Plus qu’une perte, c’est une semence. Un héros nous est né. »

Et de tous côtés, avec une ardeur violente, l’écho me répondait : « un héros et un saint ». J’avais en outre la fortune bénie de faire surgir d’un hôpital de Laval (Mayenne) un soldat du 276e d’infanterie, Victor Boudon, blessé le 6 septembre à la bataille de l’Ourcq et qui la veille de sa blessure, le 5 septembre à Villeroy, avait vu tomber près de lui son lieutenant Charles Péguy. Il m’écrivait : « Je suis son témoin, voulez-vous recueillir mon témoignage ? Voulez-vous que je dise « sa belle mort au champ d’honneur, alors que nous marchions à l’assaut des positions allemandes ? »

Péguy a passé sa vie à approfondir ce problème, la notion de l’héroïsme et de la sainteté. Cette haute curiosité, poussée jusqu’à l’obsession, s’unissait en lui