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Page:Peguy oeuvres completes 02.djvu/176

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n’avons fait encore, peut-être beaucoup plus que nous ne ferons jamais ; que si ces hommes de cinquante ans accueillent avec une indulgente bonté nos déclarations socialistes révolutionnaires, à l’efficacité desquelles nous avons nos raisons de croire, c’est que, depuis le temps de leur jeunesse, ils en ont tant entendu, de déclarations.

Si ces hommes ont gardé, pour les discours et pour les articles de M. Clemenceau, un goût particulier que nous ne pouvons partager entièrement, c’est que M. Clemenceau est aujourd’hui un des rares orateurs et journalistes en qui ces vieux républicains retrouvent la résonance de leur ancienne République ; ils n’ont jamais bien mordu à Jaurès, même dans le temps de sa gloire honnête et de sa véritable grandeur ; avec un instinct merveilleux ils sentaient en lui la persistance de cet opportunisme qu’aux temps héroïques ils avaient tant combattu dans leurs départements ; ils n’ont jamais cessé de lui préférer Clemenceau, malgré tout ce qu’ils reconnaissaient en lui souvent de politique et de parlementaire ; c’est que le vieil et intraitable radical, malgré tout, est un homme de leur temps, de leur famille, de leur parenté ; un homme de leur sang, comme on disait ; nous-mêmes, soyons historiens, et si nous ne reconnaissons pas, connaissons en M. Clemenceau un exemple de cet esprit républicain.

Oublions pour cela les enseignements que nous avons reçus dans nos classes de logique, oublions tout ce que nous avons en nous de scolaire ; car la deuxième tentation ici, et c’est la grande tentation scolaire, est de mesurer la réalité de l’événement républicain à la réa-