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Son père était mort, mais nous travaillions toutes les deux, maman et moi. S’il a rempaillé avec nous ? Non, il a seulement appris à canner pour s’amuser. N’est-ce pas, il voyait ma mère ou moi en train de battre la paille ; alors, comme il faut toujours faire des choses toutes naturelles, c’est ça qu’il faisait. »

Péguy plus tard, avec ses amis, se flattait de savoir « pailler » les chaises en paille tordue, ce qui demande du tour de main, et non pas seulement en cannage, ce qui paraît-il est plus facile.

Retenez cette habitude qu’il prend dès l’enfance d’un travail ouvrier déterminé. Elle est de grande importance dans sa formation. De fait il demeurera et voudra demeurer ouvrier toute sa vie.

Péguy est un enfant bien doué. Il l’est à la manière d’un petit citoyen de France et d’Angleterre, et non pas à la manière orientale comme un slave ou un juif. Voyez-le, dans les récits de sa mère, recueillis par Poncheville, qui s’applique de toute son âme sérieuse à faire ses cartes de géographie. Quand un inspecteur primaire l’ayant vu à l’école, lui obtient une bourse au lycée, Péguy n’y fera que développer et mieux comprendre ce qu’il sait déjà être en lui. À seize ans, il expliquera Virgile, comme à douze il expliquait La Fontaine. C’est le même effort à comprendre un texte. Il a dit à Charles de Peslouan que jamais une nouvelle forme de travail ne l’avait surpris. Cela se relie dans mon esprit à ce qu’Albert Thomas me disait un jour qu’il était passé de l’étude du grec à l’étude des fabrications de munition sans autre étonnement, en appliquant de la même manière son esprit. Péguy toute sa vie se développera moins en extension qu’en