Page:Peguy oeuvres completes 02.djvu/328

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xièmement des objets de malédiction comme ils peuvent seuls en fournir, troisièmement et surtout des sujets d’inspiration comme il n’en pouvait pas demander à la paix : il y a là une indéniable, une insupportable duplicité, une particulière triplicité. C’est vraiment les faire servir à trois fins, par trop contradictoires. Ces soldats font l’escorte ; ils font la réprobation ; et ils font l’inspiration. Vraiment c’est trop, à la fois.

On peut être pour ou contre la guerre, pour ou contre les militaires ; Hugo, comme le peuple, dans le peuple, est ensemble et à la fois pour et contre la guerre, pour et contre les militaires ; il en tire ainsi une triple utilisation, une utilisation maxima.

C’est exactement ce que fait aussi le peuple, dont Hugo est en ceci, comme à beaucoup d’autres égards, le représentant éminent ; comme Hugo, son maître et son Dieu, le peuple, comme Hugo populaire le peuple populaire utilise la guerre et les militaires à trois fins au moins, contradictoires ; il demande aux militaires des parades comme ils peuvent seuls en fournir, des revues du 14 Juillet et tous autres apparats, toutes autres démonstrations ; il demande à la guerre et aux militaires un exercice de malédiction, de réprobation morale, sentimentale, publique, oratoire, officielle, philanthropique, scientifique, éloquente, savante, socialiste, matérialiste historique, syndicaliste révolutionnaire ; troisièmement il demande à la guerre et aux militaires un sujet d’inspiration, un exercice d’imagination quand, remontant dans le passé, quand, interprétant le présent, quand, anticipant l’avenir, il veut se faire croire qu’il n’a point perdu le goût des aventures ; quand, enfin, il est las de s’embêter dans des images de paix.