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D’ailleurs, il lisait peu l’Imitation et ne semblait guère connaître l’Écriture.

Je n’insisterai pas sur sa formation religieuse. Mgr. Batiffol en a écrit mieux que nul de nous ne saurait faire. Lotte, d’autre part, est bien touchant. C’est le portier du couvent et c’est un saint. Simplement, si vous le voulez bien, avec ses amis dont je recueille les interprétations orales, nous allons feuilleter ce recueil auquel nos notes vont servir de préface, et nous en tirerons quelques traits significatifs ?

Il y a là plusieurs essais de valeur inégale, par exemple les Suppliants, Louis de Gonzague, Notre Patrie, qui sont comme des bornes kilométriques de la voie par où Péguy accomplit son salut. « Je puis bien vous dire, me confie Louis Gillet, que Péguy, que je tiens pour un héros et pour un saint, à l’École normale me faisait horreur pour sa violence dreyfusiste. C’est à partir des Suppliants et de Louis de Gonzague que j’ai commencé à l’aimer. »

Péguy lisait le grec et le savait fort bien ; il était bon humaniste et en était très fier. Il adorait les tragiques grecs. Louis Gillet, meilleur juge là dessus qu’aucun de nous, me dit : « C’est le dernier écrivain que j’aie connu véritablement nourri de la substance antique et pour qui Homère, Sophocle, Virgile fussent autre chose que des noms. » Dans les Suppliants parallèles, Péguy part de cette idée que le suppliant, l’exilé, le proscrit, dans le drame antique est un personnage sacré : il est reçu avec tremblement, comme un représentant de la divinité : chargé d’une mission ou d’un châtiment auguste, il a au milieu des autres hommes un rôle surnaturel ; il est un peu prêtre,