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Page:Peguy oeuvres completes 02.djvu/35

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il est à part : il ne supplie pas du tout, il commande, il ordonne, on tremble devant lui ; l’hôte qui lui refuse sa porte est puni. Le Suppliant est revêtu de toute la majesté de la misère humaine. On voit en lui un ambassadeur de la Némésis. Et Péguy de nous découvrir les rapports de cette idée avec la doctrine chrétienne du pauvre : le pauvre est l’ami de Jésus, il est le véritable maître de la Société chrétienne ; c’est lui qui récompense et condamne ; pour comprendre sa fonction, sa mission divine sur la terre, relisez le sermon de Bossuet sur « l’éminente dignité du pauvre ». Quelle majesté dans ces deux doctrines religieuses ! Combien en comparaison est plate et misérable la doctrine socialiste ! « Nous, socialistes, dit Péguy, en quelque sorte, ayons au moins la pudeur de rougir de notre infériorité. Serait-il vrai que le socialisme ne vaille pas même en beauté, en religion morale ces religions désuètes, qu’il ne vaille pas le paganisme ni l’église chrétienne ? Remontons à nos sources, incorporons au socialisme cette éminente beauté. Faisons la cité future avec les trésors du passé. Bâtissons la cité nouvelle, mais transportons-y les anciens dieux. »

Ah ! Péguy, vous êtes de ceux qui ne maudissent pas le passé ? Alors vous ne tarderez guère d’être excommunié par les bandes avec lesquelles vous croyez que vous êtes accordé. J’en ai déjà vu beaucoup de ces socialistes peu à peu suspects aux leurs, puis odieux et rejetés, parce qu’ils ne reniaient pas leurs sources et qu’on voyait un jour qu’à leur insu peut-être, ils les aimaient pieusement.

Mais laissons ! ce que je voudrais dessiner en marge de cette belle page des Suppliants, c’est Péguy