Aller au contenu

Page:Peguy oeuvres completes 02.djvu/353

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

gramme exactement comme si de rien n’était ; sous peine d’hésitation, de panique, d’affolement, d’officielle lâcheté ; ainsi les deux souverains devaient continuer de faire les deux personnages des fêtes et des cérémonies arrêtées ; ils devaient immuablement continuer d’être des personnages populaires et souriants de fêtes nationales et populaires ; sous la menace de la mort, car les protections de la police, on l’avait bien vu, ne procurent jamais une sécurité hermétique. Ainsi entendu, le métier de roi devient le plus difficile des métiers, le plus dangereux, et celui qui requiert le plus du courage le plus exact ; nul métier peut-être n’exige à ce point que le menacé fasse exactement comme si la menace n’existait pas ; ni l’ouvrier dans les métiers dangereux, ni le misérable dans sa misère, ni le marin ni l’officier sur son vaisseau, ni le soldat ni l’officier sous le feu ne sont tenus de faire exactement comme s’il n’y avait aucune menace d’aucun danger ; sans avoir peur, ils ont le droit de montrer, ou de laisser voir, qu’ils savent ; généralement ils s’appliquent à ne rien laisser voir, ou par un courage naturel ou obtenu en effet ils ne laissent rien voir ; mais c’est beaucoup déjà que de ne pas y être tenu ; au contraire le roi est tenu de se conduire exactement comme s’il n’y avait jamais rien eu de fait.

Cet odieux, ce criminel attentat n’avait pas seulement assombri la fin de ces fêtes, il n’avait pas seulement révélé un danger permanent, mais, ce qui était plus grave, il avait rompu la trêve ; il faut redire le mot, il avait rompu le charme ; on eut immédiatement l’impression que cette intervention brusque avait rompu tout un enchantement, que c’était lui, l’attentat, qui était réel, et