Page:Peguy oeuvres completes 02.djvu/352

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parler, qu’on avait autre chose à faire ; cette semaine elle-même avait fini mal ; un attentat, le plus stupide et le plus criminel des attentats, rompant la sécurité universelle, avait rompu la joie, ayant rompu le charme ; dès avant l’arrivée du souverain, des gens bien informés avaient bien dit que la police était extrêmement inquiète, que l’on savait qu’il y avait un complot qui se préparait ; que l’on redoutait un attentat ; nul n’en voulait rien croire ; d’abord parce que ces pronostics venaient des perpétuels gens bien informés ; ensuite parce que ces sinistres renseignements dérangeaient l’idée que l’on s’était faite, l’idée que l’on voulait avoir ; un matin, on sut par les journaux que l’attentat s’était produit ; ce fut comme un premier assombrissement, et un premier détraquement ; une irruption de réalité rebelle ; mais quelqu’un troubla la fête ; on eut l’impression que des gens qui n’étaient pas invités entraient dans le cours des événements ; les arrangements si bien pris tombaient ; non seulement cet attentat était criminel et odieux, mais et surtout il n’était pas de jeu ; il rompait une sécurité contractuelle communément consentie ; avec lui et par lui revenaient pour tout le monde les communs soucis, les tracas, les embarras, les embêtements de nos vies ordinaires.

Il y a je ne sais quoi de singulièrement féroce dans l’immuabilité des programmes officiels ; un soir la mort, qui n’était pas prévue, paraissant elle-même s’inscrit au programme ; et tout le monde est officiellement forcé de faire comme si elle ne s’y était pas inscrite ; ces deux premières bombes pouvaient en introduire d’autres ; on savait qu’il y en avait d’autres on ne savait où ; et pourtant il fallait continuer les fêtes, suivre le pro-