Page:Peguy oeuvres completes 02.djvu/379

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ne veux point tirer à nous, un homme qui a pour Jaurès une affection profonde, manifestée ici même dans son histoire de quatre ans, mais un homme enfin dont j’ai sans doute le droit de dire qu’il n’est point étranger, qu’il n’était point étranger à ces anciens groupements de relations dont sont sortis Pages libres et les cahiers, quoiqu’il s’agit de notre collaborateur Daniel Halévy.

De tels hommes font ce que ne savent point faire nos omniscients agrégés, d’incompétence universelle, omniscients sans avoir jamais rien appris, juges de science à compétence étendue. La deuxième correspondance est aujourd’hui celle de notre collaborateur Avenard.

Non seulement je suis heureux de rapporter ici, comme je le dois, dans quelles conditions ce courrier fut exercé, mais quand Avenard, avec une honnêteté, avec une intégrité parfaite, me rapportait certaines paroles de Jaurès et de Herr, je les reconnaissais, ces paroles, je reconnaissais un certain ton, je les réentendais dans ma mémoire, je les y retrouvais, non sans une grande mélancolie. Et je croyais y reconnaître une mélancolie parallèle. Il est certain que ces deux hommes, Herr et Jaurès, ne doivent point considérer sans une grande mélancolie ce qu’ils ont fait de leur puissance et de leur ancienne autorité morale. Ils avaient autour d’eux un peuple de citoyens. Ils ont derrière eux une escouade maigre de petits journalistes candidats subambitieux. — Je ne dois pas oublier, m’écrivait Avenard, je ne dois pas oublier que Jaurès, la veille de mon départ, comme je lui demandais des explications sur ce que j’aurais à faire, m’a dit simplement : « Arriver d’abord, — et puis, tâcher de débrouiller ce qui se passait, enfin