Page:Peguy oeuvres completes 02.djvu/381

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constitutionnel, ignorant tout du volcan souterrain, aussi tranquille, en un sens, et ignorant, que la bureaucratie, peut-être plus, et, en un sens, peut-être aussi bureaucratique. Et tout à coup ce mouvement révolutionnaire, ce soulèvement populaire qui éclate, imprévu, inouï, tout au travers de tout, non attendu, non prévu, non préparé, non organisé, pas même et surtout pas par les partis révolutionnaires professionnels, quel enseignement, quel symbole, quelle réalité.

Voilà, entre autres, ce que Avenard a marqué admirablement. Et l’enquête personnelle qu’il a faite sur place sur les événements du 22 janvier demeurera comme un modèle du genre, du genre historique, entendu sainement.

Mais qu’on aille au texte. Je ne veux point dire ici quelle impression donne, en présence d’aussi graves événements, cette haute et saine sobriété de la narration française, parfaite, sans romantisme, sans littérature. Je ne commenterai pas non plus ces événements mêmes. Quand on demeure à Paris, 8, rue de la Sorbonne, et que l’on est protégé par toute l’épaisseur des vieilles libertés françaises, je plains celui qui, assistant de loin à d’aussi graves événements, à la lecture d’un récit aussi exact et probe se mettrait à jacasser. Quand toute une partie de l’humanité, une partie considérable, s’avance douloureusement dans les voies de la mort et de la liberté, quand toute une énorme révolution tend aux plus douloureux enfantements des libertés les plus indispensables par on ne sait combien de sanglants et d’atroces avortements, guerres de peuples, guerres de races, guerres de classes, guerres civiles et plus que civiles,