Page:Peguy oeuvres completes 02.djvu/407

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suranné : la désillusion serait trop forte, et atteindrait aux profondeurs d’une démolition. Dès les deux vers suivants le texte français faiblit :

Et pourquoi ces rameaux suppliants, ces guirlandes ?
Toute la ville est pleine et d’encens et d’offrandes,

Le reste ne vaut pas l’honneur d’être cité, ce reste qui nous paraissait aussi tenu, aussi constant, aussi continué qu’un texte de Racine :

Pleine de chants plaintifs, de sanglots et de pleurs ! —

Et s’il était besoin de se convaincre une fois de plus que l’art du théâtre n’a sans doute rien de commun avec l’art de l’écriture, et en tout cas n’a aucunement besoin de l’art de l’écriture, il suffirait de confronter la grandeur unique et réelle et réellement souveraine de ces représentations avec la pauvreté, avec la faiblesse, avec l’inanité du texte que formaient assemblées les paroles mêmes qui étaient si grandes au cœur des représentations.

Laissons ce texte vieillot. Cherchons un texte ancien. Serons-nous plus heureux avec Leconte de Lisle ? Il fut un grand poète, un des plus grands poètes français, un des plus grands poètes modernes. Sa traduction des grands poèmes antiques, généralement considérée comme une préparation à ses propres poèmes antiques, ce qu’elle était, et comme une partie intégrante du travail et de l’œuvre de ces mêmes poèmes antiques, ce qu’elle n’était peut-être pas, n’a point cessé de recevoir la plus grande réputation.