Page:Peguy oeuvres completes 02.djvu/410

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OIDIPOUS.

Ô lamentables enfants ! Je sais, je n’ignore pas ce que vous venez implorer. Je sais de quel mal vous souffrez tous. Mais quelles que soient les douleurs qui vous affligent, elles ne valent pas les miennes ; car chacun de vous souffre pour soi, sans éprouver le mal d’autrui, et moi, je gémis à la fois sur la Ville, sur vous et sur moi. Certes, vous ne m’avez point éveillé tandis que je dormais ; mais, plutôt, sachez que j’ai beaucoup pleuré et agité dans mon esprit bien des inquiétudes et des pensées ; de sorte que le seul remède trouvé en réfléchissant, je l’ai tenté. C’est pourquoi j’ai envoyé à Pythô, aux demeures de Phoibos, le fils de Ménoikeus, Kréôn, mon beau-frère, afin d’apprendre par quelle action ou par quelle parole je puis sauver cette ville. Déjà, comptant les jours depuis son départ, je suis inquiet de ce qu’il fait ; car il y a fort longtemps qu’il est absent, et au delà de ce qui est vraisemblable. Quand il sera revenu, que je sois tenu pour un mauvais homme, si je ne fais ce qu’aura prescrit le Dieu !

Copiant cette traduction pour l’envoyer aux imprimeurs, elle m’apporte, elle aussi, une grande déception. Elle est rapide, ce qui serait un bien. Mais elle est lâche. Mais elle est vague. Mais elle est éloignée. Mais elle est supérieure. Et il me semble qu’elle fourmille des contre-sens les plus graves. Ces contre-sens ne seraient rien encore, parce qu’un bon contre-sens, comme le disaient avec un soulagement nos bons maîtres, est une