Page:Peguy oeuvres completes 02.djvu/411

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faute parfaitement caractérisée, nettement délimitée. Mais ce qui est beaucoup plus grave que tous les contre-sens, c’est ce flottement continuel, ce relâchement, ce vague, ce sans-gêne avec un texte, ce vêtement trop lâche et nullement drapé, nullement serré, nullement épousé, ce vêtement tout fait, cette confection, mal ajustée, mal juste, appliquée aux figures qui le méritaient le moins, aux formes antiques, c’est-à-dire, de toutes les formes, à celles qui le supportent le moins. Était-ce impatience de génie d’un grand poète ? incapable, par son activité, par sa poussée propre, de suivre dans le détail un peu poussé l’œuvre d’un autre, fût-ce d’un autre grand poète, et surtout d’un autre grand poète, d’un aîné, d’un ancien. Mais le génie n’éclate nulle part autant que dans le détail poussé. Était-ce, en même temps, incapacité de travailler longtemps, et longuement, à un travail de cet ordre. Trop grand homme. Trop grand poète. Trop olympien. Pour traduire du grec. Était-ce, inséparablement, en principe impatience de génie en fait se manifestant par une impatience de travail et même par la négligence du travail. Il est évident qu’en de tels exercices l’attention s’émousse rapidement. L’étreinte fatigue, comme en tout art, en toute science, en toute philosophie. La fatigue vient vite. Les yeux se brouillent, et l’esprit. Le temps fait défaut. Le rouleau passe. On ne peut demander à un homme de travailler des jours et des jours comme on travaille un quart d’heure, et des années comme on travaille quelques semaines. La fraîcheur est ce qui vient à manquer la première. La soudaineté. L’instantané. On ne peut demander à un grand homme de travailler comme un écolier, ni à un très grand poète de peiner