Page:Peguy oeuvres completes 02.djvu/474

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’admiration pour les professeurs et pour les savants qui établissent des textes ; le premier il nous fit discrètement comprendre que les éditeurs allemands étaient encore beaucoup plus forts que les éditeurs français ; le premier il fit qu’au bout de très peu de temps nous prononcions comme père et mère et d’un air entendu ces phrases innocentes : Nous lisons dans Witzschel ; ou : Je trouve dans Stallbaum ; ou enfin : Weise donne. Donne était sur tout éloquent, donne en disait long. Weise donne παλαιός, mais Untelmensch ne donne que πάλιν. Et c’était toute une affaire. En moins d’un mois nous avions appris à sourire fraternellement, comme des frères aînés, quand un nouveau nouveau, ignorant les distinctions nécessaires, impromptu recommençait à nous parler de l’édition Hachette.

Il était de ces anciens universitaires et de ces universitaires anciens qui avaient une telle idée de la justesse qu’indissolublement et sans le faire exprès et même en ayant quelquefois l’apparence du contraire, ils enseignaient indissolublement toute la justice. Note distinctive : ils n’étaient pas conseillers municipaux ni même adjoints des villes où ils opéraient. — Je ne dis pas cela pour Litalien, qui mérite une entière estime. Je le dis pour beaucoup d’autres.

Comme cette race n’est plus, — nous en avons vu les derniers exemplaires, et c’est à peine si nos jeunes gens en ont aperçu, — ainsi ce temps n’est plus, et ne sera sans doute plus jamais. Ce ne serait rien, et je m’en consolerais aisément. L’homme se consolerait