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Page:Peguy oeuvres completes 02.djvu/487

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valeur en elle-même, une valeur éminente, qu’elle est une institution, une proposition d’un prix parfait, que la survivance et que la conservation, que l’immortalité poussée toujours plus loin de la cité est une œuvre, une opération qui est elle-même d’un prix parfait.

Héritiers des chrétiens, nos pères, de Pascal recevons cet enseignement que le salut éternel est d’un prix infiniment infini ; c’est-à-dire que dans le même temps que nous ferons tout ce qui nous sera possible humainement pour assurer la perpétuité, la survivance de cette race et la conservation de cette cité, nous nous garderons scrupuleusement de rien commettre qui soit attentatoire, nous rappelant que tout ce qui tient à la sainteté est d’un ordre infiniment supérieur ; la distance infinie des corps aux esprits figure la distance infiniment plus infinie des esprits à la charité, car elle est surnaturelle.

Platoniciens nous saurons toute notre cité, kantiens nous saurons tout notre devoir. Platoniciens, ou héritiers des anciens platoniciens, nous saurons toute notre République et nous saurons toutes nos lois. Kantiens ou héritiers des — nouveaux — kantiens, nous saurons toutes nos obligations morales. Mais nous demanderons aux anciens que ces obligations morales demeurent belles, nous demanderons aux chrétiens que ces obligations morales demeurent saintes, demeurant charitables, aux messianiques nous demanderons qu’elles demeurent ardentes, aux cartésiens nous demanderons qu’elles demeurent distinctes et claires, aux bergsoniens nous demanderons qu’elles demeurent profondes, intérieures et vivantes, mouvantes et réelles.

Et réciproquement aux kantiens nous emprunterons que la cité soit morale, que la République demeure