Page:Peguy oeuvres completes 02.djvu/491

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autres hommes qu’ils ont des paroles qui les dépassent infiniment, qui viennent d’ailleurs, qui ne viennent point d’eux, qui viennent de leur sainteté, non point d’eux-mêmes.

Il ne s’agit donc point de savoir si cette parole le dépasse ou même si elle est de lui ou même si elle est de quelqu’un et si elle a jamais été prononcée. Comme elle est, c’est une des histoires les plus admirables, un des schèmes les plus exacts, un des symboles vraiment les plus rares et les plus pleins de sens, une formule incomparable pour tout ce qui tient à la règle de la vie et à l’administration du devoir.

Quelque étranger s’étonnerait que sous le coup de cette menace, appelés à comparaître d’un moment à l’autre, ayant depuis six mois connu d’une connaissance immédiate, saisi d’une pleine saisie et d’un total saisissement qu’une menace capitale militaire était sur nous, dans ces cahiers nous continuions à publier comme devant des documents et des renseignements, des textes et des commentaires, des dossiers et des contributions, des travaux et des œuvres, que nous ayons cette année même entrepris des travaux de longue haleine. Un Français ne s’y trompera pas : nous continuons à jouer à la balle au chasseur. Les poèmes de Spire qu’on lira plus loin ont été faits, comme leurs dates le portent, de 1903 à 1905. C’est dire qu’ils sont à cheval sur le commencement de cette crise, les uns antérieurs au commencement de la crise, les autres contemporains de la crise elle-même. Et pourtant je défie bien qu’on réussisse à noter dans ces poèmes quelque part une rupture, du ton, une brisure, une lézarde, une altération quelconque, une paille dans le