Page:Peguy oeuvres completes 02.djvu/70

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prêter un point d’appui pour son relèvement, c’est l’idée qu’il devrait avoir de la grandeur de sa mission ; cette idée le soutiendrait ; beaucoup d’instituteurs, qui sont malheureux, se tiennent par cette idée ; vraiment Jean Coste n’a pas la vocation. Ainsi parlait l’honorable M. Buisson quand il était simple citoyen. Depuis lors M. Buisson devenu député fait tout ce qu’il peut pour atteindre par des sanctions économiques de simples citoyens qui ont eu ou qui sont censés avoir eu, qui juridiquement ont eu des vocations ; car il est à noter que la loi vise les vœux religieux mêmes ; d’ailleurs il est vrai que M. Buisson, principal organisateur de l’enseignement primaire en France, et les principaux de ses collaborateurs, ont fait appel très souvent au dévouement et aux vocations de leurs très nombreux subordonnés ; mais je ne crois pas que la société puisse faire appel aux dévouements ni aux vocations ; l’humanité peut faire appel aux dévouements et aux vocations ; l’humanité peut faire appel à tout ; elle peut faire librement appel au libre sacrifice ; la société ne peut procéder que par voie de réquisition juste ; elle ne doit faire appel qu’à la justice ; enfin et surtout on oublie cette première loi de la psychologie, que l’univers est pour nous ce que nous le connaissons. Quand on demande à Jean Coste misérable d’oublier sa misère et de travailler d’un cœur léger à l’avènement du bonheur universel, premièrement on le prie de conserver, pour la commodité de la société laïque, certains sentiments qui sont proprement des sentiments catholiques, la renonciation, l’abnégation, le dévouement sous cette forme, la résignation, la patience et d’une manière générale tous les sentiments qui sont de la charité ; or il n’est pas loyal de le lui demander