Page:Peguy oeuvres completes 02.djvu/95

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un inspecteur général ne les connaît pas. Je les connais comme l’honorable M. Buisson, qui les a faits, qui les connaît tant, ne les connaît pas. Surtout je les connais comme les politiciens qui aujourd’hui veulent se servir d’eux ne les connaissent pas. Sauf des exceptions, heureusement nombreuses, ils pensent, ils parlent exactement comme Jean Coste. Loin qu’allant de l’enseignement primaire au supérieur en passant par le secondaire on aille du simple au compliqué, c’est au contraire l’enseignement supérieur qui est simple, et c’est dans le primaire, et trop souvent dans le secondaire, qu’il y a de la complication. Sauf des exceptions, heureusement nombreuses, quand les instituteurs écrivent, ils sont tentés d’écrire un peu comme Jean Coste parle, un peu raide, un peu mièvre, un peu prétentieux, un peu précieux.

Entendons-nous : il y a partout des hommes, qui échappent à leur métier, à leur classe, à leur entourage. Nous ne voulons, et nous ne pouvons parler ici que des instituteurs qui ont reçu l’empreinte de leur métier, qui sont caractérisés par leur métier, non par leur métier en général, mais par leur métier comme on a fait ce métier. Ce qui est libre échappe à cette espèce de remarque. Il y a heureusement beaucoup d’instituteurs qui sont restés peuple, ouvriers ou paysans. Il y en a plusieurs qui ont d’eux-mêmes un esprit de science, ou d’art, ou de philosophie. Mais les instituteurs qui ont subi sans résistance l’impression proprement primaire ont désappris de parler peuple et n’ont pas encore appris à parler français.

Parler peuple et parler français, c’est parler le même langage, un langage de nature et d’art, sur deux plans