instinct sûr, par le plus profond des instincts, comme dans la seule maison qui eût gardé le sens et la tradition, le dépôt, sacré pour nous, et peut-être pour l’histoire, de la mystique dreyfusiste. Tel fut le premier fond, le premier corps de nos amis et de nos abonnés. Beaucoup déjà sont morts. Tous ceux qui ne sont pas morts nous sont restés invariablement fidèles. Ou plutôt ce fut ce premier fond, ce premier corps, tout ce qu’il y avait de mystique, de fidèle, de croyant dans le dreyfusisme qui fut, qui devint non point seulement nos amis et nos abonnés, mais nos cahiers mêmes, le corps et l’institution de nos cahiers. Je puis donc le dire. Les hommes qui se taisent, les seuls qui importent, les silencieux, les seuls qui comptent, les tacites, les seuls qui compteront, tous les mystiques sont restés invariables, infléchissables. Toutes les petites gens. Nous enfin. J’en ai encore eu la preuve et reçu le témoignage aux vacances de Pâques, aux dernières, et à ces vacances de la Pentecôte, où tant de nos amis et de nos abonnés des départements, notamment des professeurs, nous ont fait l’amitié de venir nous voir aux cahiers. Ils sont comme ils étaient, ce qu’ils étaient, ils sont les mêmes hommes qu’il y a dix ans. Qu’il y a douze ans. Qu’il y a quinze ans. Et moi aussi j’ose dire qu’ils m’ont trouvé le même homme qu’il y a dix ans. Douze ans. Quinze ans. Ce qui est peut-être plus difficile.
Ceux qui se taisent, les seuls dont la parole compte.
Voilà quel était le cœur et la force du dreyfusisme. Ce cœur, ce centre, cette force est demeurée intacte.