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Page:Peguy oeuvres completes 04.djvu/127

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parvenait à ces profondeurs de bonté douce incroyables qui ne peuvent être qu’à base de désabusement.

Une petite minorité, un petit groupe, une immense majorité de juifs pauvres (il y en a, beaucoup), de misérables (il y en a, beaucoup), lui demeuraient fidèles, lui étaient attachés d’un attachement, d’un amour fanatique, qu’exaspéraient de jour en jour les approches de la mort. Ceux-là l’aimaient. Nous l’aimions. Les riches ne l’aimaient déjà plus.

Je dirai donc quel fut son enterrement.

Je dirai quelle fut toute sa fin.

Je dirai combien il souffrit.

Je dirai, dans ces confessions, combien il se tut.

Je vois encore sur moi son regard de myope, si intelligent et ensemble si bon, d’une si invincible, si intelligente, si éclairée, si éclairante, si lumineuse douceur, d’une si inlassable, si renseignée, si éclairée, si désabusée, si incurable bonté. Parce qu’un homme porte un binocle bien planté sur un nez gras barrant, vitrant deux bons gros yeux de myope, le moderne ne sait pas reconnaître, il ne sait pas voir le regard, le feu allumé il y a cinquante siècles. Mais moi je l’ai approché. Seul j’ai vécu dans son intimité et dans sa confidence. Il fallait écouter, il fallait voir cet homme qui naturellement se croyait un moderne. Il fallait regarder ce regard, il fallait entendre cette voix. Naturellement il était très sincèrement athée. Ce n’était pas alors la métaphysique dominante seulement, c’était la métaphysique ambiante, celle que l’on respirait, une sorte de