Page:Peguy oeuvres completes 04.djvu/128

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métaphysique climatérique, atmosphérique ; qui allait de soi, comme d’être bien élevé ; et en outre il était entendu, positivement, scientifiquement, victorieusement, que ce n’était pas, qu’elle n’était pas une métaphysique ; il était positiviste, scientificiste, intellectuel, moderne, enfin tout ce qu’il faut ; surtout il ne voulait pas entendre parler de métaphysique(s). Un de ses arguments favoris, celui qu’il me servait toujours, était qu’Israël étant de tous les peuples celui qui croyait le moins en Dieu, c’était évidemment celui qu’il serait le plus facile de débarrasser des anciennes superstitions ; et ainsi ce serait celui qui montrerait la route aux autres. L’excellence des Juifs était selon lui, venait de ce qu’ils étaient comme d’avance les plus libres penseurs. Même avec un trait d’union. Et là dessous, et là dedans un cœur qui battait à tous les échos du monde, un homme qui sautait sur un journal et qui sur les quatre pages, sur les six, huit, sur les douze pages d’un seul regard comme la foudre saisissait une ligne et dans cette ligne il y avait le mot Juif, un être qui rougissait, palissait, un vieux journaliste, un routier du journal(isme) qui blêmissait sur un écho, qu’il trouvait dans ce journal, sur un morceau d’article, sur un filet, sur une dépêche, et dans cet écho, dans ce journal, dans ce morceau d’article, dans ce filet, dans cette dépêche il y avait le mot Juif ; un cœur qui saignait dans tous les ghettos du monde, et peut-être encore plus dans les ghettos rompus, dans les ghettos diffus, comme Paris, que dans les ghettos conclus, dans les ghettos forclus ; un cœur qui saignait en Roumanie et en Turquie, en Russie et en Algérie, en Amérique et en Hongrie, partout où le Juif est persécuté, c’est-à-dire, en un