Page:Peguy oeuvres completes 04.djvu/167

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qui avait fait semblant d’être un intellectuel, qui avait fait semblant de travailler et de savoir travailler, d’avoir un métier, qui avait fait semblant d’être des nôtres, qui avait fait semblant de tout. Quand les politiciens, quand ceux qui font métier et profession de la politique font leur métier, exercent leur profession, quand ils jouent, quand ils fonctionnent professionnellement, officiellement, sous leur nom, ceux qui sont connus comme tels, il n’y a rien à dire. Mais quand ceux qui font métier et profession d’être impolitiques font, sous ce nom, de la politique, il y a le double crime de ce détournement perpétuel. Faire de la politique et la nommer politique, c’est bien. Faire de la politique et la nommer mystique, prendre de la mystique et en faire de la politique, c’est un détournement inexpiable. Voler les pauvres, c’est voler deux fois. Tromper les simples, c’est tromper deux fois. Voler ce qu’il y a de plus cher, la croyance. La confidence. La confiance. Et Dieu sait si nous étions des âmes simples, des pauvres gens, des petites gens. C’est bien ce qui les fait rire aujourd’hui. Quels sont, dit-il, quels sont ces imbéciles qui croyaient ce que je disais ? Qu’il se rassure, qu’il attende. Les vies sont longues, les mouvements contraires, qu’il ne nous tombe jamais dans les mains. Il ne rirait peut-être pas toujours.

Quoi de plus poignant que ce témoignage, que cette adjuration de Bernard-Lazare condamné, de Bernard-Lazare destiné, quoi de plus redoutable que ce témoignage, redoutable par sa mesure même. Quand Jaurès,